jeudi 14 novembre 2013

Chapitre 5. La ville médiévale d'Amance. Une ville à la campagne. Annexe 3 : La compagnie d'arbalétriers.

5.18 Annexe III -- La compagnie d'arbalétriers

Il est probable que cette garnison se trouvait renforcée, en cas de conflit, par une compagnie de volontaires formés et entraînés, les arbalétriers d'Amance.
La présence d'une compagnie d'arbalétriers volontaires est clairement établie à Amance pendant près de deux siècles. Ces arbalétriers sont cités dans de nombreux documents.
Les comptes du receveur général de Lorraine font état dès 1514 d'une somme payée pour le louage d'un char pour conduire des bagues1 des arbalétriers d'Amance2. ».
La fonction exacte de cette compagnie n'est pas clairement affichée dans les documents connus sur Amance. Pour l'imaginer il faut faire appel à la description qui en est donnée pour d'autres villes.
Dans sa communication sur les arbalétriers d'Amance et de Saint-Mihiel, M de Souhesmes attribue à ces compagnies le rôle d'une milice mobilisable à tout moment par le duc3. On imagine que la compagnie des arbalétriers d'Amance était également, et en premier lieu, disponible pour la défense de la ville sous le commandement du « capitaine » d'Amance, lequel agissait au nom du duc.
Des compagnies d'arbalétriers existaient dès le début du XVème siècle. La compagnie des arbalétriers de Gondreville par exemple avait été crée en 14284. La création ou le développement de ces compagnies avait été encouragée par le duc Charles III. Les troupes permanentes du duché étaient très peu nombreuses, et, après la disparition de la chevalerie, il fallait faire appel, en cas de conflit, aux contingents peu formés envoyées par les vassaux du duc, aux bourgeois et surtout à des mercenaires. Les places fortes ne disposaient pas de garnison en temps de paix et les bourgeois devaient assurer eux même la garde des portes et des murailles5. Les compagnies d'arbalétriers constituaient un réseau de volontaires motivés, organisés et entraînés.
Ces arbalétriers n'étaient pas issus de n'importe quel milieu, mais constituaient de fait un groupe social à part, entre les nobles et la population commune. Ils n'étaient pas soumis à la contribution de l'aide dite de la Saint-Rémy, mais bénéficiaient d'un régime fiscal plus avantageux. Ils étaient également exemptés de corvées. A Amance, en 1579, les 14 arbalétriers versaient une taxe qui leur était spécifique, alors qu'à Gondreville, les arbalétriers qui étaient au nombre de 10 étaient même totalement exemptés de taille6.
Des compagnies pouvaient être recrutées au siège des prévôtés mais aussi dans de simples villages: Morville-lès-Vic hébergeait une compagnie forte de 4 à 6 arbalétriers7.
Le rôle de telles compagnies est décrit à Blénod-lès-Toul par exemple. Ses mêmes membres initialement appelés les prud'hommes devinrent ultérieurement les arbalétriers. Ils étaient au nombre de 12 et composaient la police locale. Ils étaient issus des familles les plus distinguées et assuraient pour certaines cérémonies une garde d'honneur.
On peut suivre l'évolution de la compagnie d'arbalétriers d'Amance par la rubrique qui les concerne dans chaque dénombrement des conduits publié par le receveur8.
On en compte par exemple 11 en 1529, 10 en 1574, 14 en 1579 dans l'étude de M. de Souhesmes, 12 en 1586 et 8 en 1608, à la veille de la Guerre de Trente Ans. Par contre ils ne sont plus mentionnés dans les comptes au delà de cette date. Les chiffres disponibles du receveur correspondent en général aux arbalétriers résidant sur le ban d'Amance, soit à Laître, soit à Amance. La liste de M de Souhesmes inclut des arbalétriers de Laneuvelotte, d'où un nombre plus élevé9.
Parmi les exemples connus et documentés, la compagnie d'arbalétriers d'Amance aurait eu l'effectif le plus important parmi les villes de Lorraine.
Les arbalétriers d'Amance portaient haut leur titre. Lors des interrogatoires des procès de de sorcelleries, plusieurs des témoins cités donnent comme profession « arbalétrier » .
L'aspiration aristocratique se retrouvait aussi dans le titre de gentilhomme, revendiqué par les membres de cette compagnie. Ils avaient finalement obtenu la reconnaissance d'une quasi noblesse lors du recensement de Ligier Richier en 1579, reconnaissance qui avait été refusée à leurs homologues de Saint-Mihiel.
Ils constituaient un milieu très fermé et se recrutaient dans un petit nombre de familles d'Amance ou de la châtellenie, qui aspiraient toutes à une reconnaissance sociale, certaines même étaient titulaires de fiefs.
Plusieurs d'entre eux revendiquaient des franchises qui avait été accordée à leurs ancêtres en l'an 1519, quelques années plus tard pour d'autres, par le duc Antoine.
Les plus avides de reconnaissance sociale étaient peut-être les Jacquot, qui ont occupé les fonctions de prévôt, receveur et gruyer et qui faisaient peindre des armoiries à l'occasion des funérailles de Nicolas Jacquot dit « le vieux prévôt ». Ces armoiries étaient en fait probablement usurpées et empruntées à la seigneurie de la Grange, autres arbalétriers qui avaient un petit château à La Neuflotte (aujourd'hui Laneuvelotte10).
Comment était née cette compagnie? On se souvient qu'il existait aux XIème – XIIème siècles des « chevaliers du château ». Des gentilshommes d'Amance sont également cités comme témoins de la signature de traités dès le XIIème siècle. Une filiation directe entre ces anciens chevaliers et les arbalétriers des XVème et XVIème siècles est peu probable. Par contre, on peut au moins constater une poursuite de la même vocation, et l'ambition maintenue dans certaines familles de s'identifier à l'ancienne chevalerie. La tradition de ces anciens chevaliers peut bien avoir nourri des vocations d'arbalétriers11.
1 il s'agit peut-être de bagues de pouce, pièce servant à améliorer la précision du tir
2 Lepage 1853 1er volume p. 25
3 Souhesmes
4 Lepage 1843 2ème partie p. 220
5 Morizet p. 114
6 Lepage 1843 2ème partie p. 220
7 Lepage 1843 2ème partie p. 77
8 Définition de conduits. Voir chapitre 4 : « La seigneurie et la prévôté d'Amance » Les arbalétriers sont cités dès les premiers comptes du receveur encore conservés, ils y figurent régulièrement jusqu'en 1610
9 Dénombrements effectués par le receveur de la prévôté d'Amance
10 Souhesmes
11 Voir aussi chapitre 10 : « Les personnages qui ont fait la ville d'Amance (ancien régime) »

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