5.18 Annexe III -- La compagnie d'arbalétriers
Il
est probable que cette garnison se trouvait renforcée, en cas de
conflit, par une compagnie de volontaires formés et entraînés, les
arbalétriers d'Amance.
La
présence d'une compagnie d'arbalétriers volontaires est clairement
établie à Amance pendant près de deux siècles. Ces arbalétriers
sont cités dans de nombreux documents.
Les
comptes du receveur général de Lorraine font état dès 1514 d'une
somme payée pour le louage d'un char pour conduire des bagues1
des arbalétriers d'Amance2. ».
La
fonction exacte de cette compagnie n'est pas clairement affichée
dans les documents connus sur Amance. Pour l'imaginer il faut faire
appel à la description qui en est donnée pour d'autres villes.
Dans
sa communication sur les arbalétriers d'Amance et de Saint-Mihiel, M
de Souhesmes attribue à ces compagnies le rôle d'une milice
mobilisable à tout moment par le duc3.
On imagine que la compagnie des arbalétriers d'Amance était
également, et en premier lieu, disponible pour la défense de la
ville sous le commandement du « capitaine » d'Amance, lequel
agissait au nom du duc.
Des
compagnies d'arbalétriers existaient dès le début du XVème
siècle.
La compagnie des arbalétriers de Gondreville par exemple avait été
crée en 14284.
La création ou le développement de
ces compagnies avait été encouragée par le duc Charles III. Les
troupes permanentes du duché étaient très peu nombreuses, et,
après la disparition de la chevalerie, il fallait faire appel, en
cas de conflit, aux contingents peu formés envoyées par les vassaux
du duc, aux bourgeois et surtout à des mercenaires. Les places
fortes ne disposaient pas de garnison en temps de paix et les
bourgeois devaient assurer eux même la garde des portes et des
murailles5.
Les compagnies d'arbalétriers
constituaient un réseau de volontaires motivés, organisés et
entraînés.
Ces
arbalétriers n'étaient pas issus de n'importe quel milieu, mais
constituaient de fait un groupe social à part, entre les nobles et
la population commune. Ils n'étaient pas soumis à la contribution
de l'aide dite de la Saint-Rémy, mais bénéficiaient d'un régime
fiscal plus avantageux. Ils étaient également exemptés de corvées.
A Amance, en 1579, les 14 arbalétriers versaient une taxe qui leur
était spécifique, alors qu'à Gondreville, les arbalétriers qui
étaient au nombre de 10 étaient même totalement exemptés de
taille6.
Des
compagnies pouvaient être recrutées au siège des prévôtés mais
aussi dans de simples villages: Morville-lès-Vic hébergeait une
compagnie forte de 4 à 6 arbalétriers7.
Le
rôle de telles compagnies est décrit à Blénod-lès-Toul par
exemple. Ses mêmes membres initialement appelés les prud'hommes
devinrent ultérieurement les arbalétriers. Ils étaient au nombre
de 12 et composaient la police locale. Ils étaient issus des
familles les plus distinguées et assuraient pour certaines
cérémonies une garde d'honneur.
On
peut suivre l'évolution de la compagnie d'arbalétriers d'Amance par
la rubrique qui les concerne dans chaque dénombrement des conduits
publié par le receveur8.
On
en compte par exemple 11 en 1529, 10 en 1574, 14 en 1579 dans l'étude
de M. de Souhesmes, 12 en 1586 et 8 en 1608, à la veille de la
Guerre de Trente Ans. Par contre ils ne sont plus mentionnés dans
les comptes au delà de cette date. Les chiffres disponibles du
receveur correspondent en général aux arbalétriers résidant sur
le ban d'Amance, soit à Laître, soit à Amance. La liste de M de
Souhesmes inclut des arbalétriers de Laneuvelotte, d'où un nombre
plus élevé9.
Parmi
les exemples connus et documentés, la compagnie d'arbalétriers
d'Amance aurait eu l'effectif le plus important parmi les villes de
Lorraine.
Les
arbalétriers d'Amance portaient haut leur titre. Lors des
interrogatoires des procès de de sorcelleries, plusieurs des témoins
cités donnent comme profession « arbalétrier » .
L'aspiration
aristocratique se retrouvait aussi dans le titre de gentilhomme,
revendiqué par les membres de cette compagnie. Ils avaient
finalement obtenu la reconnaissance d'une quasi noblesse lors du
recensement de Ligier Richier en 1579, reconnaissance qui avait été
refusée à leurs homologues de Saint-Mihiel.
Ils
constituaient un milieu très fermé et se recrutaient dans un petit
nombre de familles d'Amance ou de la châtellenie, qui aspiraient
toutes à une reconnaissance sociale, certaines même étaient
titulaires de fiefs.
Plusieurs
d'entre eux revendiquaient des franchises qui avait été accordée à
leurs ancêtres en l'an 1519, quelques années plus tard pour
d'autres, par le duc Antoine.
Les
plus avides de reconnaissance sociale étaient peut-être les
Jacquot, qui ont occupé les fonctions de prévôt, receveur et
gruyer et qui faisaient peindre des armoiries à l'occasion des
funérailles de Nicolas Jacquot dit « le vieux prévôt ».
Ces armoiries étaient en fait probablement usurpées et empruntées
à la seigneurie de la Grange, autres arbalétriers qui avaient un
petit château à La Neuflotte (aujourd'hui Laneuvelotte10).
Comment
était née cette compagnie? On se souvient qu'il existait aux XIème
– XIIème siècles des « chevaliers du château ». Des
gentilshommes d'Amance sont également cités comme témoins de la
signature de traités dès le XIIème siècle. Une filiation directe
entre ces anciens chevaliers et les arbalétriers des XVème et
XVIème siècles est peu probable. Par contre, on peut au moins
constater une poursuite de la même vocation, et l'ambition maintenue
dans certaines familles de s'identifier à l'ancienne chevalerie. La
tradition de ces anciens chevaliers peut bien avoir nourri des
vocations d'arbalétriers11.
1
il s'agit peut-être de bagues de pouce, pièce servant à améliorer
la précision du tir
2
Lepage 1853 1er volume p. 25
3
Souhesmes
4
Lepage 1843 2ème partie p. 220
5
Morizet p. 114
6
Lepage 1843 2ème partie p. 220
7
Lepage 1843 2ème partie p. 77
8
Définition de conduits. Voir chapitre 4 : « La
seigneurie et la prévôté d'Amance » Les arbalétriers
sont cités dès les premiers comptes du receveur encore conservés,
ils y figurent régulièrement jusqu'en 1610
9
Dénombrements effectués par le receveur de la prévôté d'Amance
10
Souhesmes
11
Voir aussi chapitre 10 : « Les personnages qui ont
fait la ville d'Amance (ancien régime) »
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