5.16 Annexe I – Amance pendant les campagnes de Charles le Téméraire en Lorraine – Analyse contradictoire des témoignages
Les
places forte de Lorraine ont été l'objet d'une partie d'échecs,
entre Lorrains et Bourguignons entre 1473 et 1477. Les informations
sur Amance pendant cette période sont fragmentaires et partiellement
contradictoires, et sa position dans le conflit exige des
investigations fouillées.
Tout
d'abord, Amance pourrait avoir été cédé aux Bourguignons dès
1473.
Selon
Michel Parisse, Charles le Téméraire aurait obtenu à cette date,
l'utilisation des châteaux d'Épinal, Darney, et Neufchatel
(Neufchâteau ?) au sud et de Amance et Prény au centre pour
permettre le passage entre ses possessions du nord (Flandres,
Brabant, Luxembourg et Pays Bas) et du sud (Bourgogne et
Franche-Comté 1).
On
lit également dans l'histoire du château de Frouard2,
que Charles le Téméraire aurait
obtenu en 1473 l'autorisation de traverser le pays lorrain pour
transférer la dépouille de son père des Pays-Bas à sa capitale
Dijon. Il visita à cette occasion le château de Frouard (peut-être
aussi Amance ? le texte ne le précise pas) et plaça des garnisons
dans les places d'Amance, Épinal, Charmes et Darney.
Selon
ces sources, les Bourguignons semblent donc bien avoir occupé Amance
dès 1473.
Selon
d'autres historiens, il n'en est rien, au moins jusqu'en 1475. Après
avoir revendiqué la possession d'Amance en 1473, en même temps que
celles d'Épinal, Darney et Neufchâteau, le duc de Bourgogne aurait
finalement renoncé à cette place et porté son choix sur Prény,
position contrôlant directement la vallée de la Moselle. C'est la
version de Dom Augustin Calmet entre autres, qui retient que Charles
le Téméraire, après avoir revendiqué Amance aurait finalement
retenu Prény, forteresse plus moderne et directement placée sur
l'axe mosellan.
Christian
Pfister, historien de Nancy, va dans le même sens. Il conclut que
les places qui avaient été concédées au duc de Bourgogne en 1473,
étaient Darney, Dompaire, Épinal, Charmes et Amance. Mais
finalement Dompaire et Amance auraient été remplacées par
Neufchâteau et Prény 3.
La
sélection de documents historiques présentée par Jean Schneider
sur les relations entre Lorraine et Bourgogne dans la période 1473 –
1478 permet, selon nous, de trancher le débat.
Les
capitaines nommés pour commander les places concédées à Charles
le Téméraire y sont cités: André de Haraucourt pour Darney,
Jacques de Salm pour Épinal, Gaspard de Raville pour Charmes, le
prévôt Pierre Thiebaut pour Dompaire et le
prévôt Thiriet pour Amance4.
Amance
avait donc bien été cédée aux Bourguignons dès 1473.
Deux
ans plus tard, René II ayant renversé ses alliances, Charles le
Téméraire envahit la Lorraine et assiégea Nancy. Amance était
toujours restée dans le camp bourguignon, ou avait été réoccupée
comme l'indique l'épisode du convoi de bétail envoyé par les
Bourguignons à leurs alliés messins et interceptés par des
habitants de Thézey (sans doute Thézey-Saint-Martin). Ce troupeau
de 120 bêtes était conduit par des «gens
d'Amance » « qui avaient
été requis pour l'encadrer5. »
La
ville de Nancy, occupée une première fois en 1475, s'était ensuite
révoltée et avait chassé ses occupants. Les Bourguignons ont sans
doute évacué Amance quelques temps également, pour revenir peu
après assiéger à nouveau Nancy. Pendant ce temps le duc René II
était allé chercher des renforts chez ses alliés suisses et
alsaciens, pendant qu'une petite troupe lorraine, basée à
Gondreville harcelait les Bourguignons cantonnés autour de
Rosières-aux-Salines.
Plusieurs
coups de main furent organisés par les Lorrains. Parmi ces coups de
main figurait le projet d'investir Amance. Un texte précise
« trois citoyens courageux, Jean Harnerat, Richard fils de Jean du
Chatel et Regnault le Marechal avaient décidé d'introduire de nuit,
dans la ville, quelques capitaines de René II. Regnault alla au
devant d'eux pour leur servir de guide, mais il ne trouva pas au
rendez vous les deux conjurés. La tentative avait été découverte,
et les deux malheureux restés dans Amance furent exécutés, leurs
biens vendus. René II accorda plus tard aux veuves de Jean Harnerat
et de Richard du Chatel l'exemption de toute taille et subvention; il
accorda les mêmes privilèges à Regnault le Maréchal qui avait
« tout perdu fors son corps6 ».
Les
Bourguignons occupaient donc bien Amance à la fin de 1476, et le
château put être mis à disposition du roi Alphonse V, roi de
Portugal, qui venait visiter Charles le Téméraire, quelques jours
avant la bataille de Nancy. L'histoire de cette ville nous renseigne
en effet sur les démarches entreprises par Alphonse V, qui
ambitionnait le trône de Castille, et recherchait des appuis. Après
avoir rendu visite à Louis XI sans succès, il vint rencontrer
Charles le Téméraire, avec l'idée de se faire valoir en le
réconciliant avec Louis XI.
Il
fit donc le voyage de Nancy et vint loger le 29 décembre au château
d'Amance, puis se rendit à la tente de Charles le Téméraire qui
faisait le siège de Nancy.
Celui
ci « le régala de vins et
d'épices » selon l'expression
des historiens, mais ne voulut entendre parler de paix. Finalement
Alphonse V se retira à Amance, et de là regagna Nomeny. Quelques
jours après, le 5 janvier, se déroulait la bataille de Nancy où
les Bourguignons furent écrasés par les Lorrains et leurs alliés.
Les Bourguignons survivants tentèrent de fuir par le pont de
Bouxières-aux-Dames sur la Meurthe et y furent attaqués par un
détachement des mercenaires payés par les Bourguignons, qui tenait
le château de Condé (Custines). Leur capitaine, Campo Basso avait
changé de camp. Beaucoup se noyèrent, d'autres furent rattrapés,
dit le récit, en tentant de regagner Condé ou les hauteurs
d'Amance.
Un
autre personnage local s'illustra à cette occasion: Il s'agit du
messager Jean Huin de Laneuvelotte, qui réussit à franchir les
lignes bourguignonnes pendant le siège de Nancy, et apporta aux
assiégés la nouvelle de l'arrivée des renforts lorrains, ce qui
les aida à tenir bon quelques semaines de plus. Jean Huin reçu du
duc l'affranchissement de toute taxe7.
1
Parisse 1990 p. 221
2
DEZAVELLE (Emile). Notice historique sur Frouard Nancy, R.
Poncelet, 1932, 140 p
3
Pfister tome I p. 389
4
SCHNEIDER (Jean). Lorraine et Bourgogne (1473-1478). Choix de
documents: 1473-1478, Nancy, Presses universitaires de Nancy,
1982, 283 p. p. 29 nota 2
5
SCHNEIDER (Jean). op. cit. p. 104 nota 2
6
Pfister p. 443 -444
7
Pfister tome I p. 443-446
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