mercredi 13 novembre 2013

Chapitre 7. Connaisssances et questions sur le château d'Amance. Annexe 1. Le conflit de 1218 et le siège du château.

7.14 Annexe I – informations sur le conflit de 1218 et le siège d'Amance

A peine rattaché au duché, le château d'Amance fut le théâtre du dénouement dès 1218 d'un conflit de dimension régionale. La ville de Rosheim en Alsace1, avait été donnée en gage par l'empereur d'Allemagne à Ferry II, père de Thierry. L'empereur l'avait ensuite réoccupée.
Le duc Thibaut Ier qui avait épousé la fille du comte de Dabo seigneur de Rosheim en 1214, s'en considérait l'héritier. Profitant de l'absence de l'empereur d'Allemagne, occupé en Italie, il reprit possession par la force, au début de l'année 1218, des terres de son beau-père. L'affaire tourna mal et en représailles aux exactions des troupes lorraines en Alsace et de la rébellion du duc, l'empereur Frédéric II vint lui même pourchasser ce qui restait des troupes engagées par Thibaut Ier. Ce dernier fut contraint de se réfugier dans son château d'Amance. Georges Poull situe cet épisode à fin avril 12182.
Le duc Thibaut Ier s'était aussi impliqué dans la Guerre de Succession de Champagne où il avait pris le parti de Errard de Brienne contre la comtesse de Champagne.
Celle-ci se montre donc empressée, avec son allié le comte de Bar, de répondre à l'invitation de l'empereur à se joindre au siège d'Amance. Nancy, la capitale ducale, est prise au passage et pillée en avril 1218. Les troupes champenoises et barroises passent la nuit dans Nancy et l'incendient en la quittant au matin3.
Isolé, Thibault veut rechercher à son tour des alliés, en vain. Dom Calmet précise dans son histoire de la Lorraine: « a la vue du danger, Thibaut envoya inutilement implorer le secours de ses amis, personne ne se remua pour le secourir, plusieurs même de ceux qui auraient du se déclarer pour lui, tant de ses états que des étrangers, joignirent leurs forces à celles du roi (le roi des romains c'est à dire l'empereur), et conspirèrent à ruiner son pays.
Dans une telle extrémité, ceux qui étaient auprès de lui, lui conseillèrent de recourir à la clémence du roi. Il le fit, alla se jeter à ses pieds, en suppliant et sans armes. Frédéric le reçut et lui promit son pardon. Mais il lui dit qu'il lui en couteroit quelque chose.
Il le retint prisonnier le mena avec lui en Allemagne. Etc...
Il (Thibaut) donna ses lettres sur lesquelles il renonçoit à tous les engagements qu'il pouvoit avoir pris avec tous les sujets et vassaux de la comtesse de Champagne, les quittoit de leur serment, et des paroles qu'ils lui avoient donné à l'occasion de la guerre qu'Errard de Brienne faisoit.. etc..
C'est ce que porte l'écrit scellé de son sceau, passé en référence du roi des romains, à Amance, le vendredi d'avant la pentecôte, au mois de juin 1218.
La comtesse de Champagne exigea de plus qu'il reconnut par acte authentique, qu'il étoit homme lige du comte de Champagne pour certaines terres qu'il tenoit de lui dans ce comté (la Champagne) etc..
L'acte fut passé à Amance le premier jour de juin 12184 5».
L'affaire se conclut donc par le traité d'Amance, du 1er juin 1218 par lequel le duc Thibault promet d'abandonner son soutien à Errard de Brienne dans la guerre de succession de Champagne, et abandonne à la comtesse, sa suzeraineté sur certaines terres6. Il n'y aurait finalement pas eu de bataille pour le château d'Amance, et le siège aurait été d'assez courte durée.
Thibaut Ier fut ensuite emmené captif par l'empereur avec quatre chevaliers de son entourage.
Il mourut deux ans plus tard dans des circonstances douteuses qui laissèrent planer un soupçon d'empoisonnement.
Il s'agit là de la version de Dom Calmet suivi dans sa lecture des faits par d'autres historiens, dont Christian Pfister, Georges Poull, Gérard Giuliato...
Le château a-t-il été détruit ou endommagé en 1218 ?
Henri Lepage reprend les grandes lignes de ce récit, mais s'appuie sur une « chronique de Errard » pour avancer d'autres faits. Il situe tout d'abord l’événement au 25 juin 1218, ce qui contredit la date retenue pour la signature du traité d'Amance. Selon son exposé, le duc assiégé se serait défendu vaillamment, et n'aurait accepté que des conditions honorables. Le château aurait néanmoins été pris d'assaut, la garnison passée au fil de l'épée et le duc enfermé dans la tour qui prit son nom. Il n'en fut libéré qu'après avoir accepté la suzeraineté de la comtesse de Champagne7.
Poursuivant la même idée, Henri Lepage imagine, mais sans pouvoir vérifier son hypothèse, que le château a dû être détruit en partie ou tout au moins considérablement endommagé. Cette question n'est pas secondaire car la version de Henri Lepage conduirait à une vision notablement différente de l'histoire de l'édifice.
Il est difficile d'adhérer à cette thèse qui contredirait les règles de la guerre de l'époque médiévale.
Les codes de la guerre, importants en période de chevalerie, voulaient que la garnison qui avait négocié sa reddition soit préservée. Par contre en cas de résistance prolongée, l'assaillant pouvait décréter le combat « sans merci » ce qui entraînait le sac de la ville ou du château assiégé.
Thibaut Ier s'étant constitué prisonnier et ayant imploré le pardon de l'empereur, le château et sa garnison devraient avoir été épargnés.
Il n'est pas totalement exclu que l'empereur ait décidé de punir les troupes lorraines pour les exactions commises pendant la campagne de Rosheim et décidé des peines capitales, mais dans ce cas pourquoi aurait-il aussi emmené 4 chevaliers en otage avec le duc au lieu de les faire exécuter également8 ?
1 Rosheim est une ville très ancienne proche d'Obernai
2 Poull p. 39
3 Picard et Pfister tome I p. 121,122. Dom Calmet Notice colonnes 7 à 11
4 Dom Calmet Histoire tome 2 p. 10
5 Cette version est inspirée de la chronique de Richer de Senones. Le passage de cette chronique en version originale et sa traduction en langage moderne sont rapportés dans l'article de Hubert Collin.
6 Dom Calmet Histoire tome 3 pages 9-10
7 Lepage 1843 2ème partie p. 14
8 E Grille de Beuzelin situe cet épisode en 1205, date manifestement erronée.

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