7.14 Annexe I – informations sur le conflit de 1218 et le siège d'Amance
A
peine rattaché au duché, le château d'Amance fut le théâtre du
dénouement dès 1218 d'un conflit de dimension régionale. La ville
de Rosheim en Alsace1,
avait été donnée en gage par l'empereur d'Allemagne à Ferry II,
père de Thierry. L'empereur l'avait ensuite réoccupée.
Le
duc Thibaut Ier qui avait épousé la fille du comte de Dabo seigneur
de Rosheim en 1214, s'en considérait l'héritier. Profitant de
l'absence de l'empereur d'Allemagne, occupé en Italie, il reprit
possession par la force, au début de l'année 1218, des terres de
son beau-père. L'affaire tourna mal et en représailles aux
exactions des troupes lorraines en Alsace et de la rébellion du duc,
l'empereur Frédéric II vint lui même pourchasser ce qui restait
des troupes engagées par Thibaut Ier. Ce dernier fut contraint de se
réfugier dans son château d'Amance. Georges Poull situe cet épisode
à fin avril 12182.
Le
duc Thibaut Ier s'était aussi impliqué dans la Guerre de Succession
de Champagne où il avait pris le parti de Errard de Brienne contre
la comtesse de Champagne.
Celle-ci
se montre donc empressée, avec son allié le comte de Bar, de
répondre à l'invitation de l'empereur à se joindre au siège
d'Amance. Nancy, la capitale ducale, est prise au passage et pillée
en avril 1218. Les troupes champenoises et barroises passent la nuit
dans Nancy et l'incendient en la quittant au matin3.
Isolé,
Thibault veut rechercher à son tour des alliés, en vain. Dom Calmet
précise dans son histoire de la Lorraine: « a la vue du danger,
Thibaut envoya inutilement implorer le secours de ses amis, personne
ne se remua pour le secourir, plusieurs même de ceux qui auraient du
se déclarer pour lui, tant de ses états que des étrangers,
joignirent leurs forces à celles du roi (le roi des romains
c'est à dire l'empereur), et conspirèrent à ruiner son pays.
Dans
une telle extrémité, ceux qui étaient auprès de lui, lui
conseillèrent de recourir à la clémence du roi. Il le fit, alla se
jeter à ses pieds, en suppliant et sans armes. Frédéric le reçut
et lui promit son pardon. Mais il lui dit qu'il lui en couteroit
quelque chose.
Il
le retint prisonnier le mena avec lui en Allemagne. Etc...
Il
(Thibaut) donna ses lettres sur lesquelles il renonçoit à tous
les engagements qu'il pouvoit avoir pris avec tous les sujets et
vassaux de la comtesse de Champagne, les quittoit de leur serment, et
des paroles qu'ils lui avoient donné à l'occasion de la guerre
qu'Errard de Brienne faisoit.. etc..
C'est
ce que porte l'écrit scellé de son sceau, passé en référence du
roi des romains, à Amance, le vendredi d'avant la pentecôte, au
mois de juin 1218.
La
comtesse de Champagne exigea de plus qu'il reconnut par acte
authentique, qu'il étoit homme lige du comte de Champagne pour
certaines terres qu'il tenoit de lui dans ce comté (la Champagne)
etc..
L'affaire
se conclut donc par le traité d'Amance, du 1er juin 1218 par lequel
le duc Thibault promet d'abandonner son soutien à Errard de Brienne
dans la guerre de succession de Champagne, et abandonne à la
comtesse, sa suzeraineté sur certaines terres6.
Il n'y aurait finalement pas eu de bataille pour le
château d'Amance, et le siège aurait été d'assez courte durée.
Thibaut
Ier fut ensuite emmené captif par l'empereur avec quatre chevaliers
de son entourage.
Il
mourut deux ans plus tard dans des circonstances douteuses qui
laissèrent planer un soupçon d'empoisonnement.
Il
s'agit là de la version de Dom Calmet suivi dans sa lecture des
faits par d'autres historiens, dont Christian Pfister, Georges Poull,
Gérard Giuliato...
Le
château a-t-il été détruit ou endommagé en 1218 ?
Henri
Lepage reprend les grandes lignes de ce récit, mais s'appuie sur une
« chronique de Errard » pour avancer d'autres faits. Il
situe tout d'abord l’événement au 25 juin 1218, ce qui contredit
la date retenue pour la signature du traité d'Amance. Selon son
exposé, le duc assiégé se serait défendu vaillamment, et n'aurait
accepté que des conditions honorables. Le château aurait néanmoins
été pris d'assaut, la garnison passée au fil de l'épée et le duc
enfermé dans la tour qui prit son nom. Il n'en fut libéré qu'après
avoir accepté la suzeraineté de la comtesse de Champagne7.
Poursuivant
la même idée, Henri Lepage imagine, mais sans pouvoir vérifier son
hypothèse, que le château a dû être détruit en partie ou tout au
moins considérablement endommagé. Cette question n'est pas
secondaire car la version de Henri Lepage conduirait à une vision
notablement différente de l'histoire de l'édifice.
Il
est difficile d'adhérer à cette thèse qui contredirait les règles
de la guerre de l'époque médiévale.
Les
codes de la guerre, importants en période de chevalerie, voulaient
que la garnison qui avait négocié sa reddition soit préservée.
Par contre en cas de résistance prolongée, l'assaillant pouvait
décréter le combat « sans merci » ce qui entraînait le sac
de la ville ou du château assiégé.
Thibaut
Ier s'étant constitué prisonnier et ayant imploré le pardon de
l'empereur, le château et sa garnison devraient avoir été
épargnés.
Il
n'est pas totalement exclu que l'empereur ait décidé de punir les
troupes lorraines pour les exactions commises pendant la campagne de
Rosheim et décidé des peines capitales, mais dans ce cas pourquoi
aurait-il aussi emmené 4 chevaliers en otage avec le duc au lieu de
les faire exécuter également8
?
1
Rosheim est une ville très ancienne proche d'Obernai
2
Poull p. 39
3
Picard et Pfister tome I p. 121,122. Dom Calmet Notice colonnes 7 à
11
4
Dom Calmet Histoire tome 2 p. 10
5
Cette version est inspirée de la chronique de Richer de Senones. Le
passage de cette chronique en version originale et sa traduction en
langage moderne sont rapportés dans l'article de Hubert Collin.
6
Dom Calmet Histoire tome 3 pages 9-10
7
Lepage 1843 2ème partie p. 14
8
E Grille de Beuzelin situe cet épisode en 1205, date manifestement
erronée.
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